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vendredi 15 septembre 2023

Le sablage est-il essentiel ?

 
Dans une pâte à foncer, le sablage de la farine avec le beurre est-il « essentiels » ?

Lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions comparé des pâtes à foncer obtenues par fraisage et par sablage et nous n'avions pas vu de différence.

Je renvoie mes amis intéressés au compte-rendu détaillé qui avait été fait à l'époque, et j'ajoute, pour faire bonne mesure, que les comptes rendus de tous les séminaires depuis 23 ans sont en ligne, publics et gratuits à la disposition de tous.

Les séminaires sont expérimentaux ce qui signifie que nous faisons des expériences pour tester des prévisions culinaires. Les résultats de ces expériences valent dans les conditions précises des expérimentations, mais en général, nous utilisons les conditions les plus fréquemment utilisées par les professionnels des métiers de bouche, sous le contrôle de certains d'entre eux d'ailleurs qui sont présents.

mercredi 13 septembre 2023

Le sucre semoule, pour des pâtes à foncer plus croustillantes ?



Le sucre semoule ferait des pâtes plus fines et plus  croustillantes ?

Dans la question que l'on me pose, je m'arrête, tout d'abord, parce qu'il y a mille sortes de pâtes différentes, et la réponse n'existe sans doute pas pour une question aussi vaste.
Et pour des pâtes à foncer ? Là encore, il y a tant de variations que je doute d'une réponse uniformes.

Et puis : "plus fines"  ? Moi, je sais "fin comme un fil, mince comme une feuille". Que veut dire mon interlocuteur ?

Enfin, croustillant, ou croquant ?

Mais si j'acceptais de répondre, je dirais... que je n'en sais rien et que je n'y crois guère à l'effet annonce. Mais peu importe ce que je crois, car, ce qui compte, c'est l'expérience, et l'expérience doit être faite dans des conditions rigoureuses.

On doit partir doit faire deux pâtes avec la même quantité de  farine, de beurre et d'eau. On doit  travailler les deux pâtes exactement de la même façon, pendant le même temps, chronomètre en main. On doit ensuite abaisser les deux pâtes de la même façon, et les cuire ensemble dans le même four.

Si l'on change rien qu'un paramètres, on n'aura aucune certitude que ce n'est pas le changement des paramètres qui est responsable du changement final.

Et voilà notamment ce qui est enseigné lors des séminaires de gastronomie moléculaire auquel je vous invite soit en présentiel soit  en ligne, avec les liens qui sont donnés à tous ceux qui les demandent.
Les séminaires de gastronomie moléculaire ont lieu au Lycée Guillaume tirel que je remercie vivement de nous accueillir, généralement le  deuxième mercredi du mois, de 16 à 19 heures.
Les expérimentations et les discussions donnent lieu à des comptes rendus rédigés, assorti de photos, qui sont d'abord soumis aux participants, afin qu'ils puissent corriger éventuelles erreurs, avant d'être diffusés très largement. Et tout est en ligne sur le site du Centre  INRAE-AgroParisTech de gastronomie moléculaire et physique.

Le sucre glace et l'humidité

 

Un correspondant m'interroge, avec cette question :

"Le sucre glace absorbe l’humidité des autres ingredients pour donner une texture plus tendre et moelleuse (avec sucre glace amylace 3 % amidon) amidon et silice agissent en tant d’anti-agglomerant" [sic]


Ma réponse est : "Oui et non".

Oui le sucre glace absorbe l'humidité facilement, mais non, je n'ai aucune certitude au fait qu'il puisse produire des plates à foncer plus moelleuses.

Commençons par le sucre glace. C'est du sucre qui a été moulu très finement : on peut en produire soi-même soit en mettant du sucre dans une poêle et le l'écrasant à l'aide d'une casserole, soit avec un moulin à café, soit avec un rouleau à pâtisserie...
Dans le sucre glace, les cristaux sont divisés en cristaux beaucoup plus petits.
Dans l'industrie, pour produire un sucre glace qui ne s'agglomère pas, on lui ajoute un anti-agglomérant, ou antimottant.

Mais commençons par voir pourquoi il y a ce problème. Les cristaux de sucre sont des empilements réguliers de molécules toutes identiques que l'on nomme des molécules de saccharose.

Le saccharose est  un composé, c'est-à-dire une catégorie particulière de molécules  : les molécules de saccharose.
Et ces molécules de saccharose ont des propriétés chimiques qui ressemblent à celle de l'eau, parce qu'elles composées notamment de huit atomes d'oxygène lié chacun à un atome d'hydrogène. Or ce groupe de deux atomes, que l'on nomme groupe hydroxyle, est susceptible de se lier à une molécule d'eau, où l'on trouve aussi -notamment- un atome d'hydrogène lié à un atome d'oxygène.

Les "liaisons hydrogène", qui peuvent lier une molécule de saccharose à une molécule d'eau, est pour la raison pour laquelle les molécuels de saccharose peuvent fixer  des molécules d'eau de l'atmosphère, ce qui provoque leur dissolution dans l'eau, vu la petite quantité de cristal (on se souvient qu'is sont très petit).

Ce genre de "déliquescence" se produit notamment pour le sucre  et pour le sel  : par exemple, les marins savent bien qu'il faut mettre des grains de riz dans le sel sur leur bateau, sans quoi on voit la boîte à sel plein d'eau absorbé par les boites à sel des bateaux, car le sel capte l'eau, et s'y dissout.

Pour le sucre, il est probable que, dans les conditions habituelles, la surface des cristaux de sucre est couverte d'une mince pellicule d'eau, invisible évidemment.
Mais cela a des conséquences, à savoir que, quand deux cristaux de sucre sont voisins, alors ils peuvent coller entre eux par les couches d'eau, et former des agglomérats.

Ce qui n'est pas très gênant pour le sucre cristal ou du sucre semoule le devient pour du sucre glace, d'où l'importance des anti-mottants.

Ces derniers sont soit de l'amidon, soit de la silice (du sable parfaitement pur et propre, en quelque sorte). Et, évidemment, les industriels ne déposent que des couches très minces de ces produits, à la surface des cristaux du sucre glace.

Donc oui, finalement, le sucre glace absorbe l'eau de son environnement, et cela d'autant plus que sa surface exposée est grande.
Pourquoi cette surface est-elle grande ? Parce que les cristaux sont petits. Imaginons un cristal de sucre cristal sous forme d'un cube de côté égal à un. L'aire d'une face serait 1x1, soit 1. Et comme un cube a six faces, l'aire qui peut absorber l'eau de l'environnement serait de 6. Si l'on divise le cube en huit cubes plus petits, de côté égal à 1/2, alors la face d'un des petits cube serait de 1/4, donc l'aire d'un petit cube serait de 8 fois 1/4, soit 2, et comme il y a 8 cubes, l'aire totale des surfaces de cube serait de 8x2, soit 16... ce qui est supérieur à l'aire du cube initial. Dans du sucre glace, les cristaux ont moins d'un dixième de millimètre de côté, contre 40 fois plus pour le sucre cristal : cela implique que l'on a divisé, et divisé, et divisé, de sorte que l'on a considérablement augmenté la surface par laquelle une masse donnée de sucre peut capter l'eau !

Mais la question de mon correspondant n'est pas là. Elle est que le sucre cristal ferait (j'utilise un conditionnel) des pâtes plus moelleuses. Est-ce vrai ? Je ne le sais pas, et cela pourra faire l'objet d'un futur séminaire.

Baking soda et bicarbonate

 

Un correspondant me dit :

"L'ajout de baking soda(acide) reagit avec le bicarbonate de soude)". [sic]

 

Qu'en penser ? Que c'est ahurissant... car le baking soda, c'est précisément le bicarbonate de soude !

J'ai déjà souvent considéré les "poudres levantes" dans mes billets, notamment pour dénoncer la dénomination fautive et trompeuse de "levure chimique", et il est vrai que dans certains pays, on utilise du "baking soda", que certains professionnels utilisent du "bicarbonate", et cetera.

La question est la suivante : il s'agit de produire des bulles de dioxyde de carbone quand la préparation sera chauffée. C'est bulles feront gonfler la pâte.

Commençons par l'expérience simple qui consiste à mélanger de du bicarbonate (de sodium) avec de l'acide tartrique. L'acide tartrique est un acide  et le bicarbonate est une base : ces deux composés peuvent réagir... mais pas à sec  : si nous mélangeons les deux poudres, il ne se  passe rien. En revanche, dès que l'on ajoute un peu d'eau, on voit une vive effervescence, signe de la réaction.

L'important, pour les poudre levantes c'est qu'elle soit stables dans la pâte mais que la réaction se fasse lors de la cuisson, et c'est ainsi que les fabricants de poudres levantes ont composé des mélanges bien plus efficaces que notre simple mélange d'acide tartrique et de bicarbonate. Il faut aussi les composés dans les proportions intelligentes c'est-à-dire sans qu'il y ait trop d'acidité qui rendent la préparation impossible à manger. Bref, il y a lieu de faire des poudres levantes "professionnelles", bien faites, qui libèrent autant de gaz que possible et au bon moment.

En tout cas, le bicarbonate ne réagira pas avec le baking soda... car le baking soda, c'est précisément du bicarbonate !

Eviter les "retrecissements" ?

"Comment éviter "les rétrécissements" des pâtes ?", me demande-t-on ?

En réalité, il s'agit moins de rétrécissement que de rétraction, un terme que l'on ne confondra pas avec "rétractation".  La rétractation, c'est ce que fit Galilée sous la menace de l'Inquisition, quand, ayant osé penser que la Terre tourne autour du Soleil et non l'inverse, il fut conduit à abjurer cette cité qui était contraire à l'écriture.

La rétraction, en revanche, le fait de se rétracter, de voir des dimensions se réduire.

Mais rien ne vaut une expérience : commençons par faire une pâte à foncer, avec farine, beurre, un peu d'eau, et abaissons là au rouleau ; immédiatement, avec un emporte-pièce carré, coupons la pâte... en laissant  l'emporte-pièce en place. Après une dizaine de minutes, on verra que la pâte s'est rétractée, à savoir qu'il y a une distance entre la pâte et les bords de l'emporte-pièce.

Cette expérience est est le résultat d'un séminaire de gastronomie moléculaire qui a montré que des repos d'une nuit n'ont aucun intérêt. Non seulement, nous n'avons pas vu d'effet avec un long repos, mais, surtout, nous avons compris que c'est l'abaissement final qui étire le gluten, de sorte que la rétraction intervient ensuite, dans les 20 minutes qui suivent l'abaissement.

Les explications sur la rétractions ? Voir mon livre Les secrets de la casserole. 



Les détails sur les expérimentations du séminaire : voir le compte rendu correspondant.

La décomposition des protéines et des amidons lors du repos d'une pâte ? Je n'y crois pas.

 

Un correspondant me tend la phrase suivant :

"Le repos aiderais aussi a ce que les proteines de la farine et les amidons se decomposent et donc accelerent le processus de brunissement au four pour obtenir une saveur plus prononce." [sic]


Le repos d'une pâte favoriserait la décomposition des protéines et de l'amidon lors de la cuisson ? Je ne sais pas d'où cela peut sortir et je ne crois pas que cela soit vrai, car les protéines (plutôt que "proteine") et les molécules de l'amidon (plutôt que "les amidons") n'ont aucune raison chimique de de décomposer.

Mais, cela dit,  je ne vais certainement pas chercher des explications théoriques à un phénomène auquel je ne crois pas, car  il m'est  trop souvent arrivé de tomber dans le piège de la demande d'explication à des phénomènes qui n'existaient pas,  et l'on se sent bien ridicule quand on fait l'expérience et qu'on voit qu'il n'y a aucun phénomène à interpréter.

Ici, il y a donc lieu, tout d'abord,  d'organiser une expérience correcte, qui consiste à prendre une pâte, à la diviser en deux moitiés, à diviser chaque moitié en 3 ou 4 échantillons, et a commencer par cuire les quatre échantillons d'une même moitié en différents endroits, dans le même four qui aura été préchauffé et réglé à une température bien connue. On enfournera les quatre éléments quand le four aura atteint son équilibre, et l' on cuira pendant un certain temps ; puis on sortira les ingrédients les échantillons du four.  Le lendemain, par exemple, on prendra les quatre autres échantillons et on leur fera subir le même traitement. Puis, on effectuera les tests triangulaire soit pour la couleur soit pour le goût avec chaque fois trois échantillons à raison de deux d'une sorte et un de l'autre sorte, numérotés et donnés à déguster dans un ordre aléatoire ,à plusieurs reprises. On ne demandera qu'une chose aux jurés, à savoir "Pouvez-vous nous dire lesquels sont les deux échantillons du même lot ?".
Et c'est seulement suite que l'on cherchera des explications... s'il y a lieu de le faire !

Pas d'acides dans le sucre

 

Un correspondant soumet à mon analyse la phrase suivante :

"Dans les pâtes à foncer, le bicarbonate bicarbonate de sodium ferait lever la pâte par réaction avec les acides présents dans le sucre."

Comment a-t-on pu inventer cela.... sachant qu'il n'y a pas d'acides dans le sucre ????????

Certes le bicarbonate peut réagir avec des acides pour libérer du dioxyde de carbone  : on le voit simplement en ajoutant du bicarbonate à du vinaigre blanc, lequel, lui, contient bien un acide, à savoir l'acide acétique.

Certes, le bicarbonate peut libérer du dioxyde de carbone,  qui fait éventuellement lever une pâte : d'ailleurs, si l'on chauffe de l'eau avec du bicarbonate, on voit l'eau mousser.

Mais  ce qui est vraiment choquant, ce sont ces prétendus acides qui seraient dans le sucre.
Non,  le sucre ne contient pas d'acides, et d'ailleurs le sucre de table  blanc est une forme quasi pure (plus de 99 pour cent) de saccharose. Disons le différemment : le sucre, ce sont des grains formés par l'empilement régulier des molécules de saccharose.
Autrement dit, il n'y a que des molécules de saccharose, et aucun acide.

D'où vient cette élucubration des acides dans le sucre ?  Décidément je m'étonne sans comprendre.



Les anti-mottants du sucre glace ?

 

Dans l'expérience de l'effet sucre, où du sucre défait le réseau de gluten d'une pâte à foncer, le fait que le sucre soit du sucre glace amylacé  ou du sucre glace silicé peut-il avoir une influence ?

Je renvoie sur un autre billet pour l'expérience de l'effet sucre, qui correspond à la destruction du réseau de gluten par le sucre dans une pâte.
 J'ai expliqué précédemment que cet effet était plus rapide avec le sucre glace qu'avec des cristaux plus gros, car, à masse égale, le sucre glace a une plus grande surface exposée, de sorte qu'il se dissout plus rapidement dans l'eau qu'il prend aux protéines du réseau de gluten : les cristaux du sucre glace se dispersent bien plus à masse constante et il se dissolvent très rapidement.
Pour des cristaux plus gros, c'est couche de molécules à couche de molécules que le cristal se dissout.

Il est exact qu'il y a deux types de sucre glace : le sucre glace silicé et le sucre glace amylacé, que l'on distingue par une autre expérience, qui consiste à déposer du sucre glace dans l'eau chaude : si l'on voit un trouble, c'est que les cristaux de sucre avait été enrobés d'amidon, qui s'empèse dans l'eau chaude. En revanche, si l'on voit un petit dépôt, c'est que le sucre glace était "silicé", avec le dépôt de silice (comme du sable parfaitement pur et propre, insoluble dans l'eau) sur les cristaux.
Dans cette expérience, on voit bien que la silice et l'amidon ont un effet, mais l'ont-ils lors de l'effet sucre ? En pratique, je n'ai vu personne qu'il établisse et de toute façon, la quantité d'amidon ou de silice est extrêmement faible : c'est une couche infiniment mince à la surface des cristaux et pour l'instant, avec tous les sucres glaces, j'ai vu ce même effet sucre très rapidement, sans différence pour les sucres amylacés ou silicés. Observons quand même que la quantité d'amidon, pour le sucre amylacé, est inférieur au pour mille !



lundi 11 septembre 2023

Le sucre dans une pâte à foncer

 Le sucre dans une pâte ? Une pâte à foncer est composée principalement de farine et de beurre, avec éventuellement de l'eau. Que peut faire le sucre à une telle pâte ?
Je discute la question dans "Mon histoire de cuisine" : 



Commençons par observer qu'il y a une différence essentielle entre une pâte où l'on travaille la farine avec un peu d'eau avant d'ajouter le beurre, et une pâte où l'on mélange la farine et le beurre avant d'ajouter de l'eau.
En effet, la farine est faite de petits grains d'amidon et de protéines, dont certaines -qui sont nommés gliadines et gluténines- peuvent se lier à l'eau pour former un réseau :  pensons à un filet, à un échafaudage, qui est nommé le gluten.
D'ailleurs, on peut voir ce filet de gluten avec l'expérience qui consiste à malaxer de la farine avec de l'eau pour faire une boule de pâte bien dure, puis à malaxer très doucement cette boule de pâte dans un grand récipient plein d'eau : on voit sortir des grains blancs c'est-à-dire l'amidon, et il reste entre les mains une sorte de filet visqueux et élastique, plus jaune,  qui est ce qu'on nomme le gluten. Cette matière a été découverte par  le chimiste italien Jacopo Beccari en 1742, et l'expérience d'extraction du gluten que je viens de décrire a été trouvée par le chimiste alsacien Johannes Kesselmeyer quelques années plus tard, comme je l'établis rigoureusement ici :
Hervé This. Who discovered the gluten and who discovered its production by lixiviation?. Notes Académiques de l’Académie d’agriculture de France, 2018, 3, pp.1-11.

Mais revenons à la question : pourquoi cette différence entre une pâte faite de farine et d'eau, puis de beurre,  et cette pâte faite de farine et de beurre, puis d'eau ?
Parce que, quand on malaxe la farine avec de l'eau, comme dit précédemment, on forme ce réseau de gluten qui emprisonne les grains d'amidon ; ensuite, si l'on ajoute le beurre, ce dernier se disperse dans la structure déjà constituée. En revanche, si l'on mélange la farine et le beurre, surtout si la proportion de beurre est notable, alors on disperse la farine dans le beurre, ce dernier faisant comme une sorte de ciment ; ensuite, quand on ajoute de l'eau, on parvient plus difficilement à l'introduire pour former le réseau de gluten ; d'ailleurs, généralement, quand on ne travaille pas trop la pâte, on peut ajouter moins d'eau que dans le premier cas.
Ensuite, à la cuisson, la première des pâtes sera ferme, cassante, tandis que la seconde sera friable, le ciment de beurre n'étant guère résistant.

Et le sucre, dans toute cette affaire ? Pour comprendre son effet , il faut commencer par faire l'expérience de l'effet sucre. Pour cette expérience, on commence par faire une boule de pâte avec de la farine et de l'eau, on la malaxe bien pour qu'elle soit bien dure, et on la divise en deux pour garder une partie qui servira de témoin, de comparaison. Pour l'autre moitié, on ajoute du sucre, et l'on malaxe encore ;  après un temps plus ou moins long (de l'ordre de quelques dizaines de secondes selon le type de sucre), la pâte s'effondre, coule.

Ce qui s'est passé, c'est que le sucre a capté l'eau qui faisait les liaisons entre les protéines et les liait en un réseau de gluten. Les protéines détachées viennent se dissoudre dans l'eau, avec le sucre, et l'on obtient alors une "suspension", avec les grains d'amidon dispersés dans le sirop. Or on sait bien qu'un sirop coule, même s'il contient des particules en suspension.
D'ailleurs, l'expérience est beaucoup plus rapide avec du sucre glace qu'avec du sucre cristallisé un peu grossièrement parce que le sucre glace se dissout beaucoup plus vite dans l'eau, capte beaucoup plus vite l'eau  du réseau de gluten, dissocie bien plus rapidement ce dernier.

Bref, les pâtes sucrées, surtout quand elles ont été un peu travaillées avec le sucre, sont beaucoup plus friables que les pâtes non sucrées.

Et je renvoie sur un  séminaire de gastronomie moléculaire, en octobre 2022, lors duquel nous avons exploré cet effet de sucre, cherchant notamment à partir de quelle quantité il se produisait : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires/resultats-des-seminaires.

dimanche 5 décembre 2021

Combien de beurre dans la pâte ?

 


Combien de beurre dans la pâte  ?


On a pas assez dit que la pâte feuilletée était une merveilleuse invention pour ajouter du beurre dans la pâte.

 

 

Quand on fait une pâte à foncer (le nom juste pour les pâtes dont on fait des tourtes ou des tartelettes, par exemple, on mélange farine, beurre, sel et eau.
Il y a notamment l'écueil de la formation de gluten, quand le procédé est mal pensé, à savoir quand on met d'abord l'eau avec la farine :  l'eau vient ponter des protéines du gluten la farine,  et cela fait un réseau qui emprisonne les grains d'amidon et où le beurre vient ensuite se disperser.

Habituellement, on arrive pas enfermer beaucoup de beurre avec la pâte, parce que la boule de pâte ne se tient plus, sauf si le beurre est bien froid... mais on se souvient que le réfrigérateur est d'invention moderne.

La pâte feuilletée est cette idée merveilleuse qui consiste à enfermer le beurre dans une poche de pâte, ce qui permet d'en mettre bien plus.

Évidemment,  à partir d'une certaine quantité, il y a le risque que le beurre qui fond lors de la cuisson ne s'écoule par les bords de feuilletage, surtout si ceux-ci ont été découpés, mais quand même, finalement on sert une préparation très beurrée, donc délicieuse si le beurre est bon.


lundi 1 mars 2021

A propos de pâtes

Cela fait longtemps que nous étions dans l'incompréhension, avec divers amis du séminaire de gastronomie moléculaire,  à propos des pâtes : les pâtes à tarte, mais qui servent souvent à autre chose que ces dernières, par exemple pour faire des tourtes, des rissoles, des pâtés chauds, etc.

Comment les nommer ? Le monde amateur ou professionnel est encombré de dénominations plus ou moins cohérentes,  avec notamment celles de pâte sablée, pâte brisée, pâte sucrée, pâte à foncer, etc. Et, d'autre part, on nous parle d'émulsion, de sablage, de crémage...

Or les enseignements culinaires s'étant déjà montrés incohérents par le passé,  avec les théories fautives des cuissons dites (fautivement) "par concentration" ou "par expansion", j'aurais dû me méfier bien plus tôt,  mais il a fallu qu'un formateur m'interroge sur la cuisson des légumes pour que je puisse le faire vraiment.
Et quand j'ai mis mon nez dans la question des pâtes, j'ai effectivement retrouvé la plus grande incohérence.

Du point de vue physico-chimique, les choses sont simples, en cela que si l'on travaille de la farine avec de l'eau, alors cette dernière vient ponter des protéines et former un réseau qui est nommé classiquement "gluten".  Cela durcit la pâte, mais, aussi, la fait tenir.
S'il y a du sucre, le réseau peut se faire de façon limitée voire pas du tout, et la pâte devient bien plus friable.

Mais reste la question de la dénomination, et, là, les travaux terminologiques de ces derniers mois m'ont fait comprendre qu'il n'y avait de légitimes que les définitions qui avaient de l'antériorité.
Autrement dit, il fallait aller chercher dans les livres de cuisine anciens les dominations des pâtes pour pouvoir choisir un nom juste.
Et finalement j'ai trouvé  d'abord des pâtes fines, avec de la farine blanche, et des pâtes bises, avec de la farine moins fine, moins blanche ou de seigle : "bis" signifie grisâtre.
Plus tard, dans l'histoire de la cuisine, on trouve des pâtes à foncer (on fonce effectivement un moule à tarte) ou des pâtes à dresser, qui étaient bien plus utilisées naguère, pour la production des pâtés, quand on n'avait pas de moule.

Mais, finalement, pour ces pâtes, la principale  caractéristique, c'est bien d'être soit friables, soit fermes. N'est-ce pas une dénomination suffisante ? Selon que l'on a du sucre ou non, c'est ou non une pâte sucrée, qui, comme dit plus haut, est souvent - mais pas toujours- plus friable.

Le procédé de fabrication doit-il être pris en compte dans la dénomination ?  Sablage, émulsion, crémage, et j'en passe...  Ma réponse est simple  : il n'y a lieu de stipuler le procédé que s'il donne des résultats particuliers. Sans quoi, c'est  juste une idiosyncrasie de plus,  qui doit donc être mise de côté.
Or d'anciens séminaires avaient comparé les mêmes pâtes par sablage et par "crémage" (un mot mal choisi), sans qu'on ait vu de différence.
 

De sorte que je conclus que le procédé est sans intérêt et que nous devons nous résoudre à parler de pâte à foncer friables ou fermes. C'est moins prétentieux... et tellement plus simple, pour les amateurs comme pour les jeunes  professionnels !

mercredi 21 mars 2018

A propos de cuisson au four

Ce matin, j'ai diffusé le compte rendu du séminaire de gastronomie moléculaire de mars 2018, où je fais état des expériences effectuées lors du séminaire d'hier. Nous avons notamment comparé des pâtes sablées enfournées à froid ou à chaud... et n'avons pas vu de différences.
Et là, je reçois cette question :


 Je note bien le peu de différences observées, mais en ce qui concerne une pâte chargée ? Type quiche, tarte alsacienne… Pensez-vous qu’un départ à chaud ou à froid puisse influencer la cuisson de la pâte, et donc la bonne tenue de celle-ci ?
 


A vrai dire, il est toujours bien difficile de répondre sans faire l'expérience, et les travaux d'hier l'ont encore montré, puisque :
- nous avions prévu que les brioches enfournées à froid développeraient mieux que les mêmes brioches enfournées à chaud... et nous n'avons pas vu de différence
- nous avions prévu que les pâtes sablées (surtout dans les moules à bords très hauts que nous avions utilisés) s'effondreraient, dans un départ à froid... et nous n'avons pas vu de différence.

De ce fait, j'imagine que le départ à froid permettrait à la "migaine" de plus détremper la pâte, ce qui augmenterait l'empesage ultérieur de la farine... mais c'est une hypothèse raisonnable à laquelle je ne crois guère. D'ailleurs il faut ajouter que les fours modernes sont merveilleusement rapides. En très peu de minutes, ils atteignent la température de consigne, ce qui gomme toutes les différences possibles.

Bref, je vous invite à faire l'expérience : c'est merveilleux, car on a alors deux tartes au lieu d'une seule. Et merci de m'envoyer vos résultats, afin que je le partage !